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Culture Féminisme

Comme une lettre à la poste

Dans le recueil Lettres aux jeunes poétesses, vingt et une femmes de lettres écrivent à destination des prochaines : les plus jeunes, les contemporaines, celles qui devront en découdre. Pour sortir d’un “cis-tème” dont la littérature n’échappe malheureusement pas.

Elles s’appellent Chloé Delaume, Rébecca Chaillon ou encore Ryoko Sekiguchi. Elles sont vingt-et-un visages de la poésie du XXIème siècle et adressent leurs lettres aux jeunes poétesses. Chacune délivre, autant que faire se peut, un éventail de conseils avisés à celles qui s’apprêtent à faire le grand saut : celui d’écrire.

Le recueil n’est pas moins un guide littéraire qu’une invitation à contempler, dans “le silence des marges”, l’échange touchant et sorore de femmes qui manient les mots. Le partage d’un vécu trop longtemps tu, devenant un levier pour offrir un second souffle à une poésie jugée tantôt désuète tantôt froide, parce que prise d’assaut par des hommes “depuis des siècles assis-là”.

Au travers de chaque lettre se ressent cette bouffée d’air frais, venant caresser les joues de lectrices lassées par pléthore de décennies genrées au masculin. Elles les dessinent, les contours d’un nouvel art des mots, entre tabula rasa du “cis-tème” et écriture pour les “comme-soi”. Toutes en appellent à l’héritage laissé par leurs aïeules, de Woolf à Plath en passant par Lorde : préserver un lieu à soi, s’efforcer de garder la mainmise sur son art, dire haut et fort les injustices. Il faudra lutter contre la non-mémoire, être radicale pour être entendue, tenir le stylo d’une main franche et assurée. Parce qu’écrire au féminin vaudra toujours mieux que le neutre, assure Wendy Delorme, l’une d’entre elles.

Alors vivement demain, que fleurisse la nouvelle génération de poétesses : celles aux plumes aiguisées et vengeresses.

Louise Lucas.

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Féminisme France

Emploi et handicap : mission impossible pour les femmes ?

Pour les femmes handicapées, l’accès à l’emploi est loin d’être une mince affaire. Entre discriminations sexistes et validistes, elles restent les oubliées des politiques publiques et en paient un lourd tribut : précarité, violences, isolement.

Pour les femmes handicapées, l’accès à l’emploi est loin d’être une mince affaire.

Si le milieu professionnel est encore un lieu hostile aux femmes, il l’est d’autant plus lorsque s’ajoute au genre le facteur du handicap. Une double peine qui se caractérise par des discriminations quotidiennes et une impossibilité à s’émanciper par le travail. 

Oubliées des politiques publiques d’égalité femmes-hommes et de handicap” selon les termes de Claire Desaint, vice-présidente de l’association Femmes pour le Dire Femmes pour Agir (FDFA), personne ne semble s’occuper du vécu de ces femmes en termes d’accès à l’emploi et d’indépendance économique. “Au niveau des institutions, ce sujet est encore oublié tant qu’on l’a pas rappelé”, déplore-t-elle. 

Heureusement, les femmes handicapées s’organisent et sont désormais bien intégrées aux réseaux féministes, tant à l’échelle européenne qu’internationale. Elles n’hésitent pas à riposter pour arracher une once de considération face au perpétuel oubli quant à la spécificité de leur vécu.

Alors que se tenait le Forum Génération Égalité organisé par l’ONU du 30 juin au 2 juillet 2021 à Paris, telle a été la déception des organisations féministes de constater, encore une fois, le manque d’accessibilité pour les personnes handicapées, alors même que l’association FDFA “[n’arrêtait] pas de le demander”.

Cet impensé est le reflet d’un monde validiste et sexiste auquel elles doivent se confronter dans leur vie quotidienne, et par la suite dans leur vie professionnelle. À cela s’ajoutent les violences et discriminations dont sont spécifiquement victimes les femmes, tant au travail que dans leur vie conjugale. C’est ce qu’a constaté Maudy Piot, fondatrice de l’association, lors de groupes de parole qui l’ont incitée à mobiliser autour de ces problématiques.

Des violences genrées qui s’aggravent à cause de la posture de la France quant au handicap : elle “reste sur l’idée que ce sont des personnes déficientes qu’il faut aider” regrette Claire Desaint. La prestation de compensation, somme allouée aux personnes handicapées, omet leur besoin d’autonomie, leurs capacités à apporter à la société… Autant de manquements dont les femmes sont les premières à pâtir : elles sont moins encouragées à travailler ou à s’investir pleinement, et sont incitées à se limiter aux tâches domestiques et à l’éducation des enfants. 

Des inégalités genrées d’accès à l’emploi lourdes de conséquence

Cette distance entre les femmes handicapées et le monde du travail n’est pas sans gravité. La première répercussion de cet accès limité à l’emploi est la précarité : nombreuses sont les femmes à vivre en dessous du seuil de pauvreté, à ne gagner que de très petits salaires à cause de tâches peu valorisées ou du temps partiel nécessaire pour recevoir les soins médicaux journaliers. Elles ne sont que 1% à accéder aux postes de cadre… Une situation qui découle sur de très faibles retraites, et qui renforce une vulnérabilité rendant très difficile la séparation en cas de violences conjugales, “surtout si l’agresseur est la personne qui est à la maison et qui s’occupent d’elles” explique Claire Desaint. 

Ce manque d’autonomie financière a donc de grosses incidences sur leur niveau de vie et sur leur autonomie, qui rend difficile voire impossible l’épanouissement et l’intégration totale de ces femmes au sein de la société.

Pour les épauler dans leur vie professionnelle et lutter contre ces problèmes structurels, l’association FDFA propose plusieurs dispositifs d’aide, à commencer par une permanence sociale et juridique. Des ateliers de retour à l’emploi sont aussi organisés pour reprendre confiance en soi, élaborer un CV et entamer ses recherches, au même titre que des ateliers beauté et bien-être pour savoir se présenter et se maquiller, “important pour trouver un emploi” selon Claire Desaint. “C’est aussi quelque chose de difficile pour les femmes handicapées, elles ne correspondent pas aux normes d’une jolie femme, ça rajoute encore une difficulté” poursuit-elle.

À la rentrée 2021, l’association espère relancer le projet de mise en place d’une charte pour les entreprises, dans la foulée de deux années fructueuses passées à travailler avec LADAPT (Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées) et les entreprises. La vice-présidente se réjouit que ces dernières aient enfin “réalisé ce qu’il se passait”. 

Plusieurs outils à mettre en place pour favoriser l’accès à l’emploi des femmes handicapées

Pour une meilleure insertion des femmes handicapées dans le monde professionnel, plusieurs revendications sont portées par les associations féministes, dont FDFA. La plus urgente d’entre elles est l’approche genrée en ce qui concerne l’emploi. Si la loi Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH) oblige employeurs privés et publics à embaucher 6% de personnes handicapées, l’absence de femme est complètement ommise, au même titre que les discriminations sexistes.

Pour mettre en lumière cela, les associations pointent la nécessité de rédiger des rapports au sein des entreprises quant à la présence féminine d’abord, puis ensuite instaurer un indicateur pour les femmes handicapées. 

Néanmoins, pour Claire Desaint, il faut agir bien plus en amont. Déjà en 2016, le constat du Défenseur des droits était clair : “Le genre comme la situation de handicap ont des conséquences sur le parcours scolaire et donc sur l’insertion professionnelle des candidates à l’emploi”, pouvait-on y lire. 

D’où l’importance pour elle de veiller à ce que les filles accèdent à l’éducation comme les garçons, même si “les parents ont plus peur des violences” pour elles. Un meilleur accompagnement dans leur orientation apparaît aussi nécessaire, car les jeunes filles handicapées sont toujours dirigées vers les mêmes filières : bureautique, comptabilité, soin… “Si l’on voyait davantage de femmes dans un fauteuil roulant ou avec une canne dans des postes d’administration ou de direction, les filles handicapées se diraient que c’est possible”, assure la vice-présidente de FDFA. Une question de représentation donc.

Le dernier outil à instaurer pour faciliter l’accès à l’emploi des femmes est le développement des gardes d’enfants : nombreuses sont les mères handicapées à ne pas suivre la formation qu’elles souhaitaient car elles sont tributaires des charges familiales. Des compensations pour ces gardes seraient alors les bienvenues. 

Bien que la question de l’emploi corrélé au handicap s’immisce lentement dans le débat public, “c’est un sujet désormais international qui s’est imposé au niveau des institutions”, salue Claire Desaint. 

Le combat continue.

Louise Lucas.

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Féminisme

Art féministe : ces performances qui ont fait scandale

Si l’art performance est né au début du XXème siècle, c’est à partir des années 60 qu’il a été apprivoisé par les féministes du monde entier. De New York à Paris en passant par Munich, des artistes telles que Shigeko Kubota, Valie Export, ORLAN ou Deborah de Robertis ont délivré des messages féministes plus percutants les uns que les autres à travers leur œuvre. Récit de ces folles performances qui ont secoué, embarassé, choqué.

“Vagina Painting”, Shigeko Kubota, 1965 

Cinémathèque des réalisateurs de Jonas Mekas, New York, 1965. 

C’est le début du Perpetual Fluxus Festival, organisé par le groupe d’art contemporain Fluxus, né durant ces années 60. On peut y croiser des Yoko Ono, Marcel Duchamp, Jonh Cage… Du beau monde somme toute.

Mais celle qui retient l’attention ce jour-là, c’est bel et bien Shigeko Kubota.

Cette artiste japonaise réalise alors sa performance « Vagina Painting ». Elle a attaché un pinceau dans ses sous-vêtements et donne ainsi l’illusion de peindre avec son vagin. Des traits rouges marquent alors la grande toile sur laquelle elle se tient, évoquant le sang menstruel. 

Bien que Kubota n’ai jamais réellement évoqué la portée féministe de son oeuvre, sa démarche artistique semble loin d’être dénuée d’une dimension politique.

1965, à une poignée d’années avant la libération sexuelle, était encore le théâtre de crispations quant à l’émancipation des femmes.

De plus, le monde de l’art des sixties mettaient plus qu’à l’honneur l’homme : le géni créatif était jugé exclusivement masculin. Alors quand vous étiez artiste mais que par ailleurs, vous aviez un vagin, il vous fallait une sacrée dose de courage et de détermination pour espérer avoir ne serait-ce qu’une pointe de reconnaissance.

Cette hargne, Shigeko n’était pas la seule à l’avoir.

Valie Export, une performeuse autrichienne de la même époque, a elle aussi utilisé l’art comme outil pour briser les codes sexistes et secouer une société misogyne. 

“Genitalpanik”, Valie Export, 1968

Direction Munich, 1968. L’artiste Valie Export, Waltraud Lehner de son vrai nom, s’apprête à donner naissance à « Genitalpanik » .

Elle est vêtue en conséquence : vêtements en cuir et pantalon ouvert à l’entrejambe de manière à ce que son sexe soit visible. Cheveux ébouriffés dotés d’un incroyable volume et armée d’une mitraillette factice, elle est menaçante, voire même effrayante. 

La performance débute. Elle pénètre dans un cinéma munichois. Dans une des salles, principalement occupée par des hommes, est projeté un film pornographique. Valie les pointe un par un avec son arme, leur criant qu’ils ont devant eux un véritable sexe féminin à disposition.

Le message percute, secoue, terrorise.

Avec « Genitalpanik », Valie Export crie à la société patriarcale des années 60 de revoir la place qu’elle offre aux femmes, à commencer par la représentation de ces dernières dans l’espace médiatique et  culturel.

Elle remet aussi en question la construction du genre féminin et masculin, s’insurgeant contre l’objectification femmes, conséquence du « regard du spectateur masculin » qui les enferme.

Ici elle est sujet, non pas objet. Valie à très bien compris qu’il ne fallait pas passer par quatre chemins pour ne plus incarner l’Autre.

“Le Baiser de l’artiste”, ORLAN, 1977

9 ans plus tard, 1977, cette fois-ci à Paris.

Nous sommes au Grand Palais parisien où se déroule la quatrième édition de la foire internationale d’art contemporain. C’est le lieu qu’a choisi ORLAN, artiste française (tout en majuscules, elle y tient), pour performer « Le baiser de l’artiste » .

Elle est assise derrière une photographie grandeur nature de son buste nu, agrémenté d’écritures : “Introduire 5 francs, le baiser de l’artiste, merci”.

On l’entend interpeller la foule “Approchez approchez, venez sur mon piédestal, celui des mythes : la mère, la pute, l’artiste. Un vrai baiser d’artiste !”.

Mi-femme mi-guichet automatique bancaire, elle se tient sur une estrade noire et offre ses baisers à ceux qui lui laissent une pièce. A sa droite, se trouve une autre silhouette en bois où elle est représentée en Vierge Marie : pour le même prix, on peut offrir un cierge. 

C’est avec l’audace et le mordant qui lui sont propres qu’ORLAN dénonce deux paradigmes auxquels les femmes sont inévitablement identifiées, la Vierge ou la Putain. A cette vision binaire de les percevoir s’ajoute l’exploitation de leur corps, tantôt fantasmé, tantôt marchandé par le capitalisme.

Cette performance fait scandale et est très médiatisée, ORLAN fait la une de tous les quotidiens nationaux : Le Monde, Libération, Actuel…

Tout le monde parle du “Baiser de l’artiste” et jette l’oprobre à l’envi sur cette jeune artiste qui perd son poste d’animatrice culturelle, plonge dans la précarité, subit harcèlement et violences.

Des hommes lui envoient même du sperme par la poste… Délivrer ses fluides corporels en réponse à une démarche militante, politique et artistique, c’est bien ce qu’a jugé pertinent le mâle alpha. Allez comprendre.

“Paysage avec gopro”, Deborah de Robertis, 2016

Cet itinéraire artistique et féministe prend fin à l’exposition Araki, toujours à Paris, le 4 septembre 2016. Araki, c’est un photographe japonais.

Les visiteurs admirent son travail, déambulent devant ses clichés… jusqu’à entendre des gémissements à quelques mètres de sa célèbre photographie “Colourscapes” (Paysage avec couleurs) de 1991.

Sur cette œuvre picturale, une jeune fille dévore à deux mains un morceau de pastèque. Les couleurs y sont éclatantes grâce au fruit et au ruban noué au dos du modèle, qui porte un kimono auxmotifs violets. 

Deborah de Robertis, performeuse luxembourgeoise, se tient assise là, sur le sol, juste en dessous de la photographie.

Les cris émanent d’une bande sonore préalablement enregistrée… Celle qui se revendique comme artiste « sextrémiste », vêtue d’un kimono blanc qui laisse sa poitrine apparente, dévore elle aussi une pastèque, sauvagement, à mains nues.

Elle performe “Paysage avec gopro » . 

Comme son nom de l’œuvre suggère, elle arbore une caméra frontale qu’elle a attaché autour de sa tête, une manière pour elle de renverser le regard sur la nudité féminine dans l’art.

Le modèle devient, ici encore, sujet.

Elle interroge :  « Et si le modèle sortait de son mutisme pour briser ce silence muséal et nous jouir en pleine face ? […] Dans ma réinterprétation de l’œuvre, la pastèque évoque le sexe féminin, mon sexe que je fais juter et que je dévore jusqu’à l’extase en filmant le spectateur.

Elle a raison, Deborah de Robertis, et si le modèle sortait de son mutisme ?

Ce silence muséal, il semble avant tout imposé par le faiseur d’art. S’affranchir de ce mutisme, c’est avant tout s’affranchir du male gaze, donc de l’objectification des femmes orchestré par le patriarcat. Ces quatre femmes en ont ouvert la voie.

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Féminisme France Interview

Claudine Cordani, militante écoféministe : « L’activisme ne s’est jamais aussi bien porté que depuis que les réseaux sociaux existent »

À coup de “Darmanin révocation” et autres revendications incisives, nul doute que Claudine Cordani a fait de Twitter son terrain de militantisme. Première mineure à avoir refusé le huis clos à ses violeurs, présidente de l’association Planète anti-viol et activiste féministe, elle a vu les luttes se déployer sur la sphère numérique. Rencontre avec une femme intrépide.

  • Depuis #MeToo en 2017, les mouvements de prises de parole de victimes se sont succédés. Selon vous, qu’est-ce qui fait des réseaux sociaux un lieu propice à ce que ces témoignages se déploient ?

“En tant qu’écoutante, je suis souvent sollicitée, pas seulement sur des questions de viol ou d’inceste, mais aussi dans des cas où des mères sont désenfantées. Cela permet à des personnes de trouver quelqu’un qui peut les aider, quand elles n’ont ni les contacts, ni les connaissances, ni les outils. Un sentiment de honte et de culpabilité éprouvé par la majorité des victimes crée une barrière, et les réseaux sociaux la font sauter. Il est plus facile pour certaines d’entre elles de contacter une personne qu’elles savent pouvoir leur répondre, que de décrocher un téléphone ou contacter un médecin : ça leur facilite le début des démarches.

  • De par le fait d’accueillir ces paroles, les réseaux sociaux permettent-ils aux victimes d’obtenir une forme de justice ? 

La justice se fait dans les tribunaux, donc le but est d’abord de leur donner envie de parler. J’ai été contactée par des victimes qui avaient peur d’aller seule dans un commissariat et qui me demandaient de les accompagner. Elles savent à quel point c’est dur. Les réseaux sociaux leur permettent d’aller chercher de l’aide ailleurs pour se sentir épaulées dans la démarche qu’elles sont en train de faire, si elles ne veulent pas en parler autour d’elles. C’est très important, parce que les familles ne sont pas formées pour les aider.

  • Ces témoignages sont à la première personne. En quoi dire “je” est important dans ces mouvements de prise de parole ? 

Je”, parce que cela nous réincarne en tant que personne. Il nous humanise, car on a été déshumanisées. Ce n’est pas pour rien que j’ai été la première mineure à avoir refusé le huis-clos à ses violeurs en France, j’ai toujours assumé ce qu’on m’avait fait vivre. Je n’ai jamais demandé l’autorisation pour assumer la personne que j’étais. Les réseaux sociaux permettent ça, quand on se l’autorise soi-même. D’ailleurs les hashtags Me Too, c’est “moi aussi”, c’est “je”. Il faut dire ce que l’on a vécu et se le réapproprier, parce que ça n’appartient à personne d’autre. Ça nous permet aussi de lutter contre la honte qu’on veut nous faire endosser. “Oui j’ai vécu ça, et alors est-ce que c’est votre problème ? D’abord ça a été le mien”.

  • Ces témoignages exposent des faits qui relèvent du domaine privé mais sur internet, donc publiquement. Qu’est-ce que cela apporte de venir effacer cette frontière entre public et privé ?

Cela apporte de la visibilité aux personnes qu’on veut faire taire. Une victime qui est mal reçue dans un commissariat, qui n’est pas écoutée, dont on se moque, à qui on répète quinze fois la même question, qu’on va faire culpabiliser, dans quel état sort-elle ? Que se passe-t-il après ? Les réseaux sociaux évitent beaucoup de suicide et de passages à l’acte. Beaucoup d’écoutant.es pourront le dire, on est régulièrement sollicité.es par des personnes qui n’en peuvent plus et ne savent plus vers qui se tourner. Ces réseaux pallient à des manques évidents dans la société

  • Pensez-vous qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux permettent d’imposer certains sujets, notamment les violences sexistes et sexuelles dans le débat public ? 

Oui, la parole a été imposée. Si d’un point de vue politique ça n’a pas été assez écouté, et cela pour tous les gouvernements successifs, cela veut dire que nous, victimes et écoutantes, n’avons pas d’autres choix que de nous rassembler et d’obliger les gens à écouter. En ça, les réseaux sociaux sont une force incommensurable. Nous pouvons aussi alerter différents médias, réagir directement et être plus efficace. On gagne beaucoup de temps en interpellant directement une rédaction pour leur dire que leur titre ne va pas, par exemple. Pour moi, ça permet de révéler le vieux monde, et celui vers lequel on veut aller.

  • Que répondez-vous à ceux qui qualifient ces mouvements de “tribunal médiatique” ? 

Certains ne veulent pas entendre ça, parce que ça ne les arrange pas. Que ces détracteurs se posent des questions : quel est le problème exactement ? Encore une fois, on ne fait pas de la justice dans les rédactions, ni sur les réseaux sociaux, mais on peut alerter sur des dysfonctionnements. C’est une façon de secouer cette société qui ne veut pas voir et qui ne se donne pas assez de moyens. On alerte le gouvernement régulièrement. Les réseaux sociaux permettent de dire qu’en France, nous avons un ministre qui a été accusé de viol. Nous payons des impôts, nous faisons partie de cette société. Je demande sa démission régulièrement, en tant que citoyenne et pas en tant qu’avocate ou juriste. 

  • Ces prises de parole en cascade permettent-elles aussi aux idées féministes d’infuser dans la société ? 

Complètement. Nous parlons de la société française, mais j’échange beaucoup avec des féministes du monde entier : des pays d’Afrique de l’Ouest, du Mexique, du Canada… Ça permet de voir ce qu’il se passe ailleurs et d’interpeller le gouvernement pour les pousser à s’en inspirer. C’est un outil formidable. L’activisme ne s’est jamais aussi bien porté que depuis que les réseaux sociaux existent. Nous pouvons rester soudées, contacter des personnes très facilement, veiller les unes sur les autres et nous en avons besoin.

  • Que faire pour mieux accompagner les victimes ? 

C’est une question de moyens, donc une question de budget. Avec Nous Toutes (Ndlr : association féministe qui lutte contre les violences faites aux femmes), lors du grand rassemblement de 2019, nous réclamions un milliard d’euros. Ce n’est pas seulement d’ouvrir des lignes d’écoutes, c’est former des spécialistes et les personnes qui encadrent les victimes. Ce qu’il faut, c’est une volonté politique. On en est loin, c’est même l’inverse.

  • Comment faites vous face aux haters en tant qu’activiste ? 

J’ai parfois besoin de faire un break, c’est violent, mais ça ne dure pas longtemps car des personnes ont besoin d’aide. J’ai de la répartie, je sais me défendre. Bien sûr, il y a des campagnes de dénigrement et ce pour toutes les activistes. On a tout eu : menaces, appels anonymes… Ma fille et moi avons même été surveillées. Il y a des réflexes juridiques à avoir et savoir comment fonctionnent les détracteurs. 

  • De votre côté, c’est l’art qui vous a aidé dans votre reconstruction personnelle. Pouvez-vous en dire plus ? 

De tout ce tas de merde, j’ai voulu faire quelque chose de beau. Heureusement, à  l’époque le viol avait été reconnnu comme crime, mais il n’y avait pas d’indemnisations aux victimes grâce au fond d’aide. J’ai dû me débrouiller toute seule, en tant que jeune femme puis en tant que maman solo. J’ai eu envie de partager les outils qui ont accompagné ce chemin vers la résilience. Ce sont les mots qui m’ont d’abord sauvée, puis le métier de journaliste qui a été une victoire formidable, et enfin les collages bien sûr : c’est un tout.

J’ai toujours senti le besoin de sublimer quelque chose de très dur pour reconstruire un autre monde. J’ai vraiment réalisé que si nous ne développions pas ça… On a un choix très clair à faire : décider de s’en sortir ou savoir que l’on va en mourir.”

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Féminisme France

Manifestation féministe : le 6 mars 2021, Paris a tremblé

Samedi 6 mars 2021, près de 3000 manifestant.es se sont rassemblé.es pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur, dans le sillage du mouvement #sciencesporcs de février dernier. Récit d’une après-midi pleine d’effervescence. 

Pas d’honnors pour les sciences porcs”. Il est 13h30 place René Choir et des centaines de manifestant.es occupent déjà la rue. Des groupes se forment, se saluent, les bières s’entrechoquent, la joie bouillonne et une colère vaporeuse émerge au gré des minutes. Pancartes, cheveux et pommettes colorés, chacun.e commence à marcher avec entrain et détermination.

Omerta à l’université, patriarcat assuré”, “Enseignement de l’impunité”, “Ras le viol”, le message est clair : les étudiant.es sont dans la rue et bien déterminé.es à faire front contre un système “patriarcal, dont les femmes et les minorités de genre sont les premières victimes” selon les mots de Julia, militante.

Violences sexistes, sexuelles, “politique assumée de sauvetage de l’image” pour le Comité féministe Paris 1, l’université n’échappe ni à ces rapports de domination, ni à l’absence de condamnation des agresseurs. Elle devient dès lors un lieu colonisé par ces violences, créant un climat hostile pour les femmes. Le mouvement #sciencesporcs ayant éclaté en février 2021 a, encore une fois, levé le voile sur l’ampleur d’une misogynie systémique et banalisée. 

“Violeurs et complices, à bas l’impunité”

À coup de slogans et de chansons hurlées, les rues de Paris tremblent. Ce samedi 6 mars, on pointe du doigt les violeurs, on piétine le fascisme, on érige un mur de résistance.

Rue Raspail, un homme arbore fièrement son drapeau indépendantiste : il se fait huer par la foule. Quelques mètres plus loin, des catholiques campent devant un panneau anti-avortement, “On a aboli la peine de mort et jamais on a autant tué” peut-on y lire.

Dans le cortège, cris de colère, slogans explosifs, puis banderole en lambeaux.

La marche progresse d’heure en heure et on se rapproche de la place du Panthéon, avec un étonnant mélange de gaieté et de tensions. Deux manifestants grimpent aux lampadaires pour l’action ultime, suspendre l’immense banderole “Violeurs et complices, à bas l’impunité”. Il est 16h30 et Paris a comme un parfum de révolte.

On crie, on célèbre, on extériorise exaspération et frustration.

La marche prend fin au son des discours des associations féministes l’ayant organisée, Garçes et le Comité féministe Paris 1 entre autre. Ces prises de parole sont toutes traduites en langue des signes par les Mains Paillettes, un collectif “sourd.e.s queer et signant.e.s”.

Les mains s’agitent, clapent, la foule se disperse et chacun.e déserte la place avec du baume au cœur.

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Féminisme Monde

Iran : quand la santé des femmes se marchande

Depuis l’automne 2020, la République islamique d’Iran a interdit la distribution gratuite de contraceptifs, mettant à l’arrêt le Planning Familial. Tandis que les femmes des régions rurales et pauvres sont les premières à en pâtir, des médecins généralistes tirent la sonnette d’alarme.

Deux enfants suffisent”, martelaient les autorités iraniennes dans les années 80. Désormais, et cela depuis dix ans, le Guide suprême Ali Khamenei mène une politique nataliste ayant comme objectif de “doubler la po­pulation” d’Iran et contrer le vieillissement de cette dernière.

Durant l’été 2020, le Parlement s’est empressé d’adopter un texte rendant interdite la distribution gratuite de contraceptifs. Le coup de grâce du gouvernement, qui avait déjà interdit la vasectomie et la ligature des trompes en 2014. 

Un accès inégalitaire aux contraceptifs

Peu importent les moyens de contraception, ce sont dorénavant les patients qui doivent se les procurer au secteur privé et “les payer aux prix dits libres, c’est-à-dire non couverts par la sécurité sociale” explique Hamid, un médecin généraliste en milieu rural.

L’arrêt des activités du Planning familial depuis l’automne 2020 plonge certaines Iraniennes dans une incertitude abyssale.

C’est notamment le cas dans les régions les plus reculées du pays où l’accès à la contraception était déjà très limité, en plus du manque d’infrastructures et d’opportunités d’éducation et de travail. Explosion des inégalités sociales garantie.

La santé des femmes en jeu 

Les conséquences sont dramatiques quant à la santé, aussi bien physique que psychique des Iraniennes. Ces interdictionsont déjà causé des problèmes psychologiques” chez certaines femmes nomades, alarme un médecin généraliste dans le mensuel Andisheh Pouya.

Cela aggrave leur condition, déjà laborieuse : elles se marient très jeunes, ont beaucoup d’enfants et assurent toutes les tâches domestiques en plus de l’élevage des animaux.

La fin de la contraception gratuite va entraîner des grossesses toujours plus nombreuses et dangereuses, en dépit de leur santé et de leur bien-être. D’autres femmes étaient déjà en proie depuis des années à de “nombreuses infections et maladies” en raison du manque de serviettes hygiéniques dans certaines régions.

À cela s’ajoutera une mortalité féminine sans précédent.

Louise Lucas.

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Féminisme France Interview

“L’objectif, c’est de museler les victimes” : Julie Hainaut, harcelée depuis trois ans par des néonazis

Depuis 2017, un groupe néonazi harcèle en ligne Julie Hainaut, journaliste pigiste. C’est un article publié dans Le Petit Bulletin qui a causé ce déferlement de haine. Pas moins de quinze plaintes ont été déposées, pour qu’une seule personne ne soit condamnée. La journaliste est soutenue par l’association Prenons la Une.

Comment a débuté ce cyberharcèlement ? Sur quoi portaient les attaques à votre encontre ?

“Un site néonazi, Démocratie Participative, a pris connaissance de mon article et en a publié plusieurs sur moi. “Pute à nègre”, “femelle négrophile”, “serpillère à foutre africain”… Je recevais plein de mails, de messages Facebook, mon fil Twitter était inondé. Mon téléphone ne s’arrêtait jamais. Il y a même eu des gens qui attendaient en bas de chez moi. 

Quelles ont été les conséquences de ces vagues de haine dans votre vie ?

Les deux conséquences majeures du cyberharcèlement sont l’invisibilisation et le musellement. “Pourquoi as-tu écris cet article ?”, “tu devais t’y attendre” sont des choses que l’on m’a dit. Cela change le quotidien, le regard qu’on a sur soi, sur la société, nos rapports avec les gens. Si j’avais reçu des coups à chaque insulte, j’ai l’impression qu’on aurait accordé plus d’importance à ma douleur.

Votre rapport aux réseaux sociaux a-t-il changé ?

Oui, clairement, bien qu’ils soient très importants pour les journalistes pigistes. Ils jouent un rôle de promotion : on a besoin d’être visibles et entendus. Cela fait trois ans que je me tais quelque peu.

Quelles conséquences cela a-t-il eu sur votre métier de journaliste ?

J’ai arrêté de donner des cours à la fac et j’évite de taiter les sujets de société, en général plus sensibles. J’essaye de ne pas tomber dans l’auto-censure, mais je suis encore plus vigilante qu’avant quant aux mots que j’emploie. En plus, quand on est journaliste pigiste, on ne peut pas s’arrêter de travailler pour prendre soin de sa santé si on veut manger. Ma rédaction ne m’a pas soutenue alors que l’employeur a l’obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés. 

Vous avez fait appel à Prenons la Une. Comment vous êtes-vous rapprochée de l’association ? 

Je me rappelle qu’une journaliste parisienne enquêtait sur le cyberharcèlement  et m’avait contactée à l’époque. J’avais ensuite pu être mise en contact, grâce à elle, avec d’autres journalistes de l’association qui m’ont aidée à traverser tout ça.

Avez-vous le sentiment que le fait d’être une femme a accentué la violence des propos à votre encontre ?

Il y a bien sûr une dimension sexiste dans le cyberharcèlement. Quand on sait qu’en 2015, 73% des femmes affirmaient avoir été la cible de différentes formes de violence en ligne, il est évident que cela a des conséquences. Les femmes ont tendance à s’auto-censurer et petit à petit on les exclue de l’espace public et numérique.

La justice a-t-elle  joué son rôle comme il le fallait dans cette affaire ? 

Elle n’a pas été à la hauteur, puisqu’il y a eu un vice de procédure. Le responsable du site a été relaxé même s’il est coupable. L’institution judiciaire n’est pas du tout adaptée à 2020. Le cyberharcèlement, c’est grave, mais le manque de réponse pénale cohérente l’est tout autant.”

Propos recueillis par Louise Lucas.

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Féminisme Monde

Investiture de Joe Biden : des femmes engagées marquent le début d’une nouvelle ère

Mercredi 20 janvier a eu lieu la cérémonie d’investiture de Joe Biden, le 46ème président des États-Unis. Des femmes d’exception sont venues exposer leurs talents, symbolisant l’Amérique inclusive et diverse que défend le démocrate.

Un souffle nouveau effleure Washington. Mardi 20 janvier, Joe Biden est devenu officiellement le 46ème président des États-Unis, grâce à une cérémonie aussi singulière que symbolique, mettant à l’honneur des femmes d’exception. 

Parmi elles, Amanda Gorman, jeune poétesse afro-américaine de 22 ans. Elle a lu l’un de ses poèmes, The Hill we Climb, à travers lequel elle a appelé à l’unité. Ambitieuse, la jeune femme qui a été invitée sous les conseils de Jill Biden, aspire à devenir présidente à l’avenir. De quoi rappeler une certaine Kamala Harris… Le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newson voit d’ailleurs en elle “le futur de l’Amérique”. 

Autre femme à l’honnheur, Lady Gaga. Elle a entonné l’hymne américain avec puissance et flamboyance, délivrant un message de paix

La chanteuse a été précédée par Jennifer Lopez, venue interpréter la célèbre chanson de Woody Guthrie This land is your land. Très engagée pour la communauté latino-américaine, dont elle fait partie, elle s’est ecriée “Justicia para todos !”, (“Justice pour tous”). 

Un trio de femmes engagées et brillantes ont donc incarné l’inclusivité et la diversité, valeurs chères à Biden qui les a déjà appliquées dans son gouvernement. Reste à voir si la politique qu’il mènera sera à l’image de cette cérémonie.

Louise Lucas.

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Féminisme France

Sexisme dans les médias : après l’affaire DSK, des femmes journalistes prennent la une

Depuis 2014, l’association de journalistes Prenons la Une combat le sexisme et l’invisibilité des femmes dans les médias. Cette mobilisation est née suite à l’affaire DSK.

En mars 2014, Claire Alet et Léa Lejeune ont crié leur colère. Les deux journalistes économiques ont publié la tribune “Femmes à la Une” dans Libération, signée par plus de 800 autres journalistes.

Par ce texte à l’arrière-goût de ras-le-bol, est née l’association Prenons la Une, œuvrant pour la parité dans les médias et l’égalité dans les rédactions.

L’affaire DSK : la goutte de trop

C’est l’affaire DSK, ayant éclaté en 2011, qui a motivé cette mobilisation. Et pour cause, le déferlement médiatique emprunt de sexisme, de racisme et de classisme relatif à l’affaire. 

Accusation de complot, de mensonges, de manipulations… Parmi les 150 000 quotidiens s’étant passionés pour l’affaire du Sofitel, toutes les spéculations ont été les bienvenues pour discréditer Nafissatou Diallo, victime de Dominique Strauss Kahn.

Entre banalisation des violences faites aux femmes et accusation de prostitution, difficile de trouver une once de respect et de dignité pour la victime. Jean François Kahn, directeur de la rédaction de Marianne, avait même qualifié le viol commis par l’ex-président du Fond Monétaire International de “troussage de domestique”. 

Selon Magali de Haas, militante féministe, l’affaire “a joué à cet égard un rôle de puissant révélateurquant aux “plaisanteries sexistes les plus ignobles”, “à la remise en question permanente de la parole des femmes dans les affaires de violences, en passant par les analyses d’une grande finesse dans les médias sur les -soit disant- pulsions masculines”.

Les rédactions pointées du doigt

Ce traitement médiatique sexiste de l’affaire a permis de révéler l’ampleur des dysfonctionnements au sein même des rédactions. Dans sa tribune fondatrice, Prenons la Une dénonce les inégalités professionnelles qui y règnent. 

En effet, les femmes journalistes sont plus enclines à la précarité (elles représentent 53% des pigistes) et se “cognent au plafond de verre”. Avec plus de 7 directeurs de rédaction sur 10 étant masculins, rares se font les femmes au sommet de la hiérarchie.

De même pour les salaires, qui sont en moyenne 12% inférieurs à ceux de leurs confrères. Selon l’association, “ces inégalités se reflètent mécaniquement dans les contenus de l’information”.  

D’où la nécessité pour ces journalistes de “pointer, au quotidien, les propos et stéréotypes sexistes dans les médias et à dénoncer les inégalités” pour “créer les conditions d’une société plus juste pour tous”. 

Louise Lucas.

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Féminisme France

Violences policières : quand les femmes sont réduites au silence

Alors que la proposition de loi relative à la sécurité globale a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 24 novembre 2020, la polémique ne cesse d’enfler. Accusée de racisme, d’usage disproportionné de la force, la police avait aussi témoigné une vive hostilité contre les femmes et un sexisme décomplexé lors de la marche féministe et antiraciste de mars 2020.

Des droits pour les uns, le silence pour les autres 

La France, pays des droits de la police”, pouvait-on lire sur des pancartes le 28 novembre 2020, lors de la manifestation contre cette loi. L’article 24, qui vise à limiter les images de violences policières, est particulièrement contesté.

Il aurait pour but de “protéger les policiers”. A en croire cette loi, l’institution policière serait en position de faiblesse : ce que les vidéos viennent amplement contredire.

La police a été accusée de racisme et de violences envers les personnes noires mais aussi d’un sexisme décomplexé. Et pour cause, la veille de la journée des droits des femmes, le 7 mars 2020, une manifestation féministe et antiraciste s’était déroulée à Paris. Sur Twitter, on voyait défiler des images glaçantes : des femmes frappées, plaquées au sol, traînées violemment dans les bouches de métro… “Alors, elle est à qui la rue ?” lançait un policier à une militante.

Museler les femmes à coup de matraques 

 « Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère« . Si la colère des femmes passait par les chants, celle des forces de l’ordre, elle, par la matraque et les boucliers.

« Je suis atterrée de voir que le ministère de l’Intérieur a choisi de déployer des moyens pour réprimer les femmes plutôt que de renforcer les moyens de lutte contre les violences machistes. » avait réagi la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert.

Didier Lallement, quant à lui, avait exprimé dans un communiqué que « la fin de cette manifestation [avait] été entachée d’incidents » qui étaient « manifestement le fait d’individus ayant pour seul but de provoquer les forces de l’ordre et de perturber le bon déroulé de l’événement ».

Alors sans ces images, aussi terrifiantes soient-elles, comment aurait-on pu prendre connaissance d’énièmes comportements problématiques de la police ?

Police raciste et sexiste : un problème structurel 

Puisque des bavures sont perpétrées aussi bien sur les minorités raciales que sur les femmes, il serait ainsi pertinent de s’interroger sur la structure de l’institution policière. 

Cette dernière compte dans ses rangs plus de 70% d’hommes. Le pouvoir et l’ordre seraient donc du domaine masculin ? A en voir le degré de violence atteint en France ces derniers mois, on peut douter de la pertinence de la surreprésentation des hommes dans cette profession. 

De plus, les “gardiens de la paix” suivent les ordres du ministère de l’Intérieur, qui lui-même suit les ordres du Premier Ministre et ce dernier… du Président. La police est donc l’expression du pouvoir étatique : le pouvoir des hommes. Sur 25 présidents français ayant gouverné la France, on ne compte aucune femme. Ces dernières demeurent exclues des cercles de pouvoir : minoritaires dans les rangs de la police, minoritaires au sein de l’élite politique.

 Un remaniement au sein de ces institutions serait donc le bienvenu.

Louise Lucas.